telex2 février 2024L'UNRWA, un témoin indésirable ?
Khan Yunis, Gaza, le 25 octobre 2023. Une école de l'UNRWA sert de refuge aux Gazaouis qui fuient les bombardements israéliens.SOPA Images Limited/Alamy Live News
La concomitance est frappante, pour ne pas dire dérangeante. Le 26 janvier, alors que la Cour internationale de justice (CIJ) venait d'évoquer un « risque plausible de génocide » à Gaza et d'ordonner cinq mesures conservatoires à Israël, les États-Unis ont annoncé la suspension de leur aide à l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Une quinzaine d'autres contributeurs dont le Canada, le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne leur ont aussitôt emboîté le pas. La France, pour sa part, a indiqué de façon sibylline, qu'elle n'avait « pas prévu de nouveau versement au premier trimestre 2024 » et déciderait « le moment venu de la conduite à tenir ». En cause, les graves accusations portées par un document établi par les services secrets israéliens contre douze employés de l'UNRWA, soupçonnés d'avoir pris part à l'assaut du Hamas en Israël le 7 octobre 2023. Or, c'est en se basant, entre autres, sur des documents établis par l'agence onusienne que la CIJ a rendu son verdict du 26 janvier.
Avant même que des fuites du rapport de Tel-Aviv ne soient orchestrées dans la presse américaine, l'UNRWA avait pris les devants en rendant publiques les allégations incriminant ses salariés en même temps qu'elle annonçait leur révocation et l'ouverture d'une enquête. Cette tentative de déminage n'a pas suffi à désamorcer la crise.
Créée en 1949 pour fournir assistance et protection aux plus de 700 000 Palestiniens déracinés par la Nakba, cette institution n'a jamais cessé d'être critiquée par Israël qui voit en elle une organisation perpétuant ad vitam æternam le statut des réfugiés. Mais les nouveaux reproches sont d'une virulence inédite. L'UNRWA serait « fondamentalement compromise » avec le mouvement islamiste du Hamas, a lâché le 30 janvier M. Eylon Levy, le porte-parole du gouvernement israélien. « Dix pour cent des 12 000 employés de l'UNRWA dans la bande de Gaza [l'UNRWA chiffre ses effectifs à 13 000 personnes] sont des agents du Hamas ou du Jihad islamique », a-t-il indiqué, citant le rapport d'intelligence éventé par la presse américaine.
Après avoir à son tour étudié ce document, la chaine d'information en continu britannique Sky News a estimé que certaines affirmations des services secrets israéliens, par ailleurs mis en cause pour n'avoir pas anticipé l'attaque du 7 octobre, n'étaient étayées d'aucune preuve. C'est pourtant bel et bien sur sa base que seize pays ont gelé leur aide à l'UNRWA.
Considéré comme une punition collective infligée aux habitants de Gaza par les soutiens de la Palestine, la suspension de ces financements (d'un montant total de 440 millions de dollars, soit plus de la moitié de son budget en 2023) pourrait, selon l'agence, mettre en péril ses activités d'ici à la fin février, non seulement dans la bande de Gaza mais aussi dans ses autres régions d'intervention, en Cisjordanie, au Liban, en Jordanie et en Syrie. Dans ce contexte, la Norvège, l'Espagne, l'Irlande, la Belgique et la Nouvelle-Zélande se sont engagées à maintenir leurs contributions.
deux archivesun chiffre5,9 millions
C'est le nombre de « réfugiés enregistrés » pris en charge par l'UNRWA, dans 58 camps. 1.34 million d'entre eux sont répertoriés à Gaza.Consulter ce telex en ligne : L'UNRWA, un témoin indésirable ?Nous contacter
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© Le Monde diplomatique, février 2024