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Rassemblement du samedi 20 avril 2024

Encore un rassemblement réussi place des Terreaux avec sa fameuse fontaine rouge comme le sang des gazaouis continuellement bombardés par l'aviation israélienne! Couleurs Palestine toujours bien représentée par une quinzaine de militants.tes après 7 mois de manifestations et rassemblements hebdomadaires.

Bouleversante « Lettre à un enfant de Gaza” par Chris Hedges

Chris Hedges est ancien correspondant de guerre au New York Times et lauréat du prix Pulitzer.

Cher enfant. Il est minuit passé. Je vole à des centaines de kilomètres à l'heure dans l'obscurité, à des milliers de mètres au-dessus de l'océan Atlantique. Je me rends en Égypte. J'irai jusqu'à la frontière de Gaza à Rafah. J'y vais pour toi.

Tu n'as jamais pris l'avion. Tu n'as jamais quitté Gaza. Tu ne connais que les rues et les ruelles bondées. Les taudis de béton. Tu ne connais que les barrières de sécurité et les clôtures surveillées par des soldats qui entourent Gaza. Les avions, pour toi, c'est terrifiant. Les avions de chasse. Les hélicoptères d'attaque. Les drones. Ils tournent au-dessus de toi. Ils larguent des missiles et des bombes. Des explosions assourdissantes. Le sol tremble. Des bâtiments s'effondrent. Les morts. Les cris. Les appels à l'aide étouffés sous les décombres. Cela ne s'arrête pas. Nuit et jour. Pris au piège sous les tas de morceaux de béton. Tes camarades de jeu. Tes camarades de classe. Tes voisins. Disparus en quelques secondes. Tu vois les visages crayeux et les corps inanimés quand ils sont déterrés. Je suis journaliste. C'est mon travail de voir ça. Tu es un enfant. Tu ne devrais jamais voir ça.

La puanteur de la mort. Des cadavres en décomposition sous du béton brisé. Tu retiens ta respiration. Tu te couvres la bouche avec un tissu. Tu marches plus vite. Ton quartier est devenu un cimetière. Tout ce qui était familier a disparu. Tu regardes avec stupéfaction. Tu te demandes où tu es.

Tu as peur. Explosion après explosion. Tu pleures. Tu t'accroches à ta mère ou à ton père. Tu te bouches les oreilles. Tu vois la lumière blanche du missile et tu attends l'explosion. Pourquoi est-ce qu'ils tuent des enfants ? Qu'est-ce que tu as fait ? Pourquoi personne ne peut te protéger ? Vas-tu être blessé ? Vas-tu perdre une jambe ou un bras ? Vas-tu devenir aveugle ou te déplacer en fauteuil roulant ? Pourquoi es-tu né ? Était-ce pour quelque chose de bien ? Ou était-ce pour ça ? Est-ce que tu vas grandir ? Est-ce que tu seras heureux ? Que se passera-t-il sans tes amis ? Qui mourra ensuite ? Ta mère ? Ton père ? Tes frères et sœurs ? Quelqu'un que tu connais va être blessé. Bientôt. Quelqu'un que tu connais va mourir. Bientôt.

La nuit, tu t'allonges dans l'obscurité sur le sol froid en ciment. Les téléphones sont coupés. L'internet ne marche pas. Tu ne sais pas ce qui se passe. Il y a des éclairs de lumière. Il y a des vagues d'explosions, des commotions. Il y a des cris. Ça ne s'arrête pas.

Lorsque ton père ou ta mère partent à la recherche de nourriture et d'eau, tu attends. Cette terrible sensation dans l'estomac. Reviendront-ils ? Les reverras-tu ? Ta petite maison sera-t-elle la prochaine ? Les bombes te trouveront-elles ? S'agit-il de tes derniers instants sur Terre ?

Tu bois de l'eau salée, sale. Elle te rend très malade. Tu as mal au ventre. Tu as faim. Les boulangeries sont détruites. Il n'y a plus de pain. Tu manges un repas par jour. Des pâtes. Un concombre. Bientôt, ça te semblera un festin.

Tu ne joues pas avec ton ballon de football fait de chiffons. Tu ne fais pas voler ton cerf-volant fabriqué avec de vieux journaux.

Tu as vu des journalistes étrangers. Nous portons des gilets pare-balles avec le mot PRESS écrit dessus. Nous avons des casques. Nous avons des caméras. Nous conduisons des jeeps. Nous apparaissons après un bombardement ou une fusillade. Nous restons longtemps assis autour d'un café et nous parlons aux adultes. Puis nous disparaissons. En général, nous n'interrogeons pas les enfants. Mais il m'est arrivé d'interviewer des groupes d'enfants qui se pressaient autour de nous. Riaient. Nous pointaient du doigt. Nous demandaient de vous prendre en photo.

J'ai été bombardé par des avions à réaction à Gaza. J'ai été bombardé pendant d'autres guerres, des guerres qui se sont déroulées avant ta naissance. Moi aussi, j'ai eu très, très peur. J'en rêve encore. Lorsque je vois les images de Gaza, ces guerres me reviennent avec la force du tonnerre et de la foudre. Je pense à toi.

Tous ceux d'entre nous qui ont fait la guerre la détestent surtout à cause de ce qu'elle fait aux enfants.

J'ai essayé de raconter ton histoire. J'ai essayé de dire au monde que lorsqu'on est cruel avec les gens, semaine après semaine, mois après mois, année après année, décennie après décennie, lorsqu'on les prive de liberté et de dignité, lorsqu'on les humilie et les enferme dans une prison à ciel ouvert, lorsqu'on les tue comme s'ils étaient des bêtes, ils deviennent très en colère. Ils font aux autres ce qu'on leur a fait. Je l'ai dit et redit. Je l'ai dit pendant sept ans. Peu de gens m'ont écouté. Et maintenant, ça.

Il y a des journalistes palestiniens très courageux. Trente-neuf d'entre eux ont été tués depuis le début de ces bombardements. Ce sont des héros. Tout comme les médecins et les infirmières de vos hôpitaux. Tout comme les travailleurs de l'ONU. Quatre-vingt-neuf d'entre eux sont morts. Tout comme les ambulanciers et les médecins. Tout comme les équipes de secours qui soulèvent les dalles de béton avec leurs mains. Tout comme les mères et les pères qui vous protègent des bombes.

Mais, nous ne sommes pas là. Pas cette fois-ci. Nous ne pouvons pas entrer. Nous sommes enfermés dehors.

Des journalistes du monde entier se rendent au poste frontière de Rafah. Nous y allons parce que nous ne pouvons pas assister à ce massacre sans rien faire. Nous y allons parce que des centaines de personnes meurent chaque jour, dont 160 enfants. Nous y allons parce que ce génocide doit cesser. Nous y allons parce que nous avons des enfants. Comme toi. Précieux. Innocents. Aimés. Nous venons parce que nous voulons que tu vives.

J'espère qu'un jour nous nous rencontrerons. Tu seras un adulte. Je serai un vieil homme, même si pour toi je suis déjà très vieux. Dans mon rêve pour toi, je te trouverai libre, en sécurité et heureux. Personne n'essaiera de te tuer. Tu voleras dans des avions remplis de gens, pas de bombes. Tu ne seras pas enfermé dans un camp de concentration. Tu verras le monde. Tu grandiras et tu auras des enfants. Tu vieilliras. Tu te souviendras de cette souffrance, mais tu sauras qu'elle signifie que tu dois aider d'autres personnes qui souffrent. C'est mon espoir. Ma prière.

Nous t'avons laissé tomber. C'est la terrible culpabilité que nous portons. Nous avons essayé. Mais nous n'avons pas essayé assez fort. Nous irons à Rafah. Nous serons nombreux. Des journalistes. Nous nous tiendrons devant la frontière avec Gaza pour manifester. Nous écrirons et filmerons. Voilà ce que nous ferons. Ce n'est pas grand-chose. Mais c'est quelque chose. Nous raconterons à nouveau ton histoire.

Peut-être que cela suffira pour gagner le droit de te demander pardon.

 

Sources :

article traduit et publié sur le site web En dehors de la boîte

https://www.endehorsdelaboite.com/fr/articles/lettre-aux-enfants-de-gaza

article original (en anglais) publié sur le site web ScheerPost

https://scheerpost.com/2023/11/08/chris-hedges-letter-to-the-children-of-gaza/

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Commentaires: 2
  • #1

    jo (lundi, 18 décembre 2023 10:08)

    poignant et tellement vrai!
    une leçon et une goutte d'Humanité dans un oçéan de sauvagerie!

  • #2

    zaza vaillé (mardi, 19 décembre 2023 10:29)

    merci pour cette "bouleversante lettre"
    et merci pour celles qui alimentent le site de Couleurs Palestine